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l’âge d’or des sciences arabes

 

En 2011 et 2014 Ahmed  DJEBBAR a fait revivre pour les cérétans

 L’ÂGE D’OR DES SCIENCES ARABES

Art et Sciences en pays d’Islam : quelle cohabitation ?

 

Du VIIème au XIVème siècle, le monde arabo-musulman a connu un spectaculaire essor dans toutes les branches scientifiques.

Ahmed Djebbar, professeur émérite d’histoire des mathématiques à l’Université de Lille, chercheur associé au C.N.R.S s’est passionné pour cette formidable dynamique du savoir.

Sur une initiative de Jean Barsacq, il est venu en parler le 15 décembre dernier dans notre ville, d’abord en matinée, salle de l’Union, devant des élèves de terminales littéraires puis, en soirée, face à un auditoire d’adultes à la médiathèque.

En suivant un plan très clair, dans un langage précis et imagé, le conférencier a éclairé et captivé les assistants sur ce foisonnement intellectuel, dont la plupart n’avait que des idées fragmentaires.

Pour ceux qui n’ont pas eu la chance de profiter des lumières d’Ahmed DJEBBAR, nous synthétisons les lignes maîtresses de son discours.

Après la mort de Mahomet, en 632 après Jésus Christ, les arabes se répandirent hors de la terre de leurs ancêtres, la péninsule arabique, et fondèrent, en un temps assez court, un empire qui s’étendait de l’Indus à l’Est jusqu’à l’Atlantique à l’Ouest.

Leur domination s’étale sur trois continents : l’Europe, l’Asie et l’Afrique. Ils contrôlent la méditerranée ainsi que la mer Egée, la mer Noire, la mer d’Aran, la Caspienne…Leur zone d’influence est donc énorme, d’autant plus qu’ils entretiennent des liens commerciaux non seulement avec les terres conquises mais aussi avec les franges extérieures, à la périphérie de leurs possessions. On vend et on achète de l’or, de l’argent, du fer, du bois, de l’ivoire, de la soie, des cosmétiques, des armes, des denrées alimentaires mais aussi des esclaves.

De nouvelles couches sociales vont émerger, développer de nouveaux besoins, qui vont se traduire par un développement des savoir-faire et des sciences. Ces exigences tournent principalement autour de la répartition des bénéfices, du calcul de l ‘assiette des impôts, du salaire des fonctionnaires, de la solde des militaires, du change des monnaies, de la répartition des héritages. Les musulmans avaient aussi, en dehors des préoccupations précédentes, commune à tous   les peuples, d’autre nécessités, inhérente à leur religion : définir le moment des cinq prières rituelles ainsi que la direction de La Mecque (pas facile quand on est dans une contrée éloignée !) et mettre au point le calendrier lunaire préconisé par Mahomet.

Tandis que les scientifiques de l’époque essayent de répondre à ces attentes, les califes (souverains musulmans

détenteurs à la fois du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel) encouragent les débats d’idées. Il faut savoir en effet, que si l’islam était la religion dominante dans l’aire sous la coupe des arabes, ceux-ci se montraient tolérants à l’égard de ceux qui désiraient rester juifs ou chrétiens.. Les arabes ne possédant aucune tradition philosophique, un de leurs princes décida de financer des traductions de penseurs grecs afin que les musulmans disposent des meilleurs outils dialectiques. C‘est ainsi que furent transposés en langue arabe les Topiques d’Aristote et bien  d’autres œuvres par la suite.

Le mécénat des princes, des califes, des familles aisées ne fut pas le seul facteur de cette explosion intellectuelle et de la circulation des savoirs. Elles furent encouragées par les échanges commerciaux, par la non-immixtion du pouvoir religieux dans la pratique  scientifique, pale développement de l’industrie du papier, beaucoup moins cher que le papyrus ou le parchemin.

C’est ainsi que le monde arabe va connaître, du IX ème au XII ème siècle, un véritable âge d’or, surtout après la conquête de la péninsule ibérique par les musulmans et la création, en 756, du califat de Cordoue par Abd al Rahman, venu de Damas et dont toute la famille avait été massacrée par un clan rival, d’où son surnom «  l’Emigré ». Il va encourager la recherche sous toutes ses formes et ce mouvement se produira après sa mort.

L’arabe est devenu une langue incontournable pour les intellectuels. Une soif de connaissances fait que l’on renoue avec l’héritage des grecs, des latins, des indiens, des mésopotamiens, à travers leurs écrits ou leurs techniques (on ne sait pas encore déchiffrer les signes cunéiformes). Tout ce qui a été consigné est  rassemblé et respecté. On constitue des bibliothèques. On traduit les traités des grecs Hippocrate et Gallien pour la médecine (90 % de la médecine arabe est issue de la grecque). Euclide et Archimède pour les mathématiques. Les chiffres et le système décimal sont empruntés aux indiens. Les philosophes, tel Aristote ou Platon, tiennent une place de choix.

Les échanges entre savants sont très fructueux et propagent un savoir universel. Des villes comme le Caire, Kairouan, Marrakech. Cordoue, Saragosse sont réputées en tant que foyers culturels. La science est dynamisée : on invente l’algèbre, la trigonométrie, on avance en astronomie, en médecine, en géographie..

Du XII ème au XIV ème siècle, la créativité scientifique ne va s’éteindre mais elle sera freiné par divers phénomènes. La civilisation musulmane va connaître un fléchissement en raison de crises internes pour le pouvoir, à cause aussi des attaques des croisés, des mongols, des turcs. Les arabes perdent leur monopole commercial alors que monte la puissance de Venise, Florence, Gènes et Pise.

C’est désormais l’Europe qui va émerger et faire fructifier l’héritage scientifique du monde antique et des arabes.

 

       Françoise Mazet-Sitjer.