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Défends toi, Beauté violente !

Betty Gomez & Jean-Paul Michel


Dans le cadre du projet « penser en acte » mené par les professeurs  de philosophie du lycée Déodat de Séverac, les lycéens et le public ont rencontré ce mardi 2 avril 2019, le philosophe, poète, éditeur, Jean-Paul Michel.

Le public l’a découvert par l’intermédiaire de sa vie, de son engagement et de sa réflexion philosophique. Aux rythme des questions de madame Gomez, professeure de philosophie, Jean-Paul Michel a retracé sa jeunesse particulièrement fascinante et engagéeDurant son adolescence, la rencontre avec Voden qui pratiquait l’imprimerie l’amène à traverser une partie de la France pour récupérer, dans une ferme de Montpellier , une presse-papier datant de 1850. Il transporte alors en Corrèze, puis jusque dans l’atelier de Voden cette machine colossale. Avec l’aide de cet ami et en recyclant les seuls caractères d’imprimerie qu’il possédait, il imprime sa première œuvre en papier kraft, le Roi, qui sera sa plus grande fierté.

A 16 ans, Jehan Mayoux l’amène à rencontrer André Breton, heureux qu’un jeune homme de 16 ans s’intéresse à la poésie et à la philosophie. Cette rencontre l’a extrêmement marqué : il décrit d’ailleurs l’écrivain comme majestueux et ils se retrouvent avant la mort d ‘André Breton en en 1966. Mais , il a  aussi été marqué par la poésie rimbaldienne et par Marx. Il parle d’ailleurs d ‘ » éblouissement rimbaldien » , c’est-à-dire que Rimbaud ouvre au monde, un monde dans lequel il est possible de trouver une profondeur, que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Il explique alors que pour échapper à la fascination subjective de Rimbaud, il a arrêté d’écrire pendant 10 ans.

Jean-Paul Michel parle ensuite de son amitié indéfectible avec Pierre Bergounioux . En classe de Terminale, il attire la curiosité de Pierre Bergounioux par les questions qu’il pose à leur professeur de philosophie, notamment sur les problématiques profondes occupant le monde. Cet entrain fascine son ami, plus discret.. Le fait qu’ils ne se soient jamais disputés étonne  et il nous montre que le désaccord  est nécessaire dans une relation d’amitié. Il définit d’ailleurs celle-ci comme une relation qui nous emporte et qui ne se calcule pas, c’est-à-dire que c’est éprouver la présence de l’autre comme quelque chose qui nous augmente.

Le public a découvert une partie de la vie de Jean-Paul Michel, vraiment saisissante et exceptionnelle.  En effet, particulièrement indigné par la guerre du Vietnam, il est présenté comme un « meneur » pendant les protestations de Mai 68, où il se trouve devant le cortège. D’ailleurs, il considère cette période marquée par le Surréalisme comme un « élargissement poétique » : « la poésie, c’est la révolution ».

Après l’évocation de cette période « d’élargissement poétique » , trois élèves de Terminale S ont lu des poèmes de l’auteur et le public a pu échanger avec le philosophe, l’écrivain et poète. Plusieurs questions traitant du réel, de l’existence   et de l’art ont été posées.

Pour y répondre Jean-Paul Michel a expliqué que la violence de l’écriture et de la poésie était transformée dans celle de l’acceptation du réel. Il a ensuite illustré ceci en montrant qu’il existe une violence de l’art, comme dans les œuvres de Picasso, de Racine, de Rimbaud ou encore de Villon, mais en nuançant que celle-ci n’est rien par réel même. : « la naissance est violente, l’existence est violente, la mort est violente » a-y-il expliqué. Cette réflexion nous amène à dire que l’existence, de tous les côtés, nous emporte et les effets des arts humains apparaissent comme le lieu d’une réponse humaine possible à cette violence du réel. D ‘ailleurs, Jean-Paul Michel indique qu’il y a une situation humaine sans possibilité de s’y soustraire.

Ainsi dans un acte d’art, de penser, il y a toujours quelque chose qui est de l’ordre du pari, qui ne dépend pas de nous mais aussi quelque chose qui dépend de nous. Comme à la manière d’un lancé de dé, l’humanité n’a pas d’autre choix que de « jouer   son jeu, mais l’univers ne le sait pas » a-t-il expliqué.

Enfin, Jean-Paul Michel ne se définit pas comme poète. D’ailleurs dès que nous parlons, nous faisons de la poésie plus ou moins élaborée. Pour lui est ce qui dépend de nous ou pas, dans le « calcul ou l’incalculable »,  le calcul nous conduisant jusqu’au bout de nos possibilités sachant que les possibilités du vivable sont immenses. Il déclare que l’écriture est une tentative de produire un univers dont chacun des mouvements a «été porté au but. Ainsi, il montre par là que l’idée de l’art est quelque chose dont on est choisi et on y est responsable de tout : c’est ce qui fait l’artiste. De plus il montre que peu d’œuvres durent dans le temps, et qu’un siècle ou l’on distingue trois grandes œuvres est un grand siècle littéraire. Cependant, certains textes et œuvres continuent à parler dans le temps et à durer car ils sont des points solides et profonds à long terme sur lesquels l’humanité peut s’appuyer.

De cette conférence, j’ai été particulièrement saisie par certains mots de Jean-Paul Michel comme « l’impossible est réalisable » ou la poésie, c’est la révolution ». J’ai trouvé juste la dimension de pari et d’incalculable qu’il associe au réel, c’est-à-dire qu’il a illustré et posé des mots sur cet aspect de l’existence.

Il a notamment insisté sur le fait que le mouvement d’adolescence est un mouvement expressif, où l’on tente de répondre sous la forme d’une manifestation intense et profonde, à ce qui nous semble juste et bon. Il a justement dit que c’est lorsque l’on est épuisé dans ces efforts qu’il nous paraît  que nous n’avons pas réussi. Mais, il rappelle qu’il ne faut pas se laisser submerger par le sentiment d’impuissance, la partie n’est pas perdue avant de l’avoir jouée.

Nous tenons à remercier l’association « Penser en Acte » pour l’organisation de cette conférence. Nous tenions également à remercier Jean-Paul Michel pour cet échange. Nous lui sommes très reconnaissants et le remercions encore une fois pour le partage de sa réflexion.

 

Chritie BAUX                    Terminale Scientifique 1